Parler des siens n’est pas toujours évident. Surtout, lorsque ceux-ci ne sont plus.
Faut-il attendre une révolution en Tunisie pour écrire et se soigner ?
Fawzia Zouari a choisi de parler d’un personnage essentiel, la Mère avec un M majuscule. Une mère si différente d’elle. Une mère qui n’aspire pas au métier d’écrivain, au voyage ou à l’aventure. Une mère qui conte ses légendes pour éviter de se raconter.
« Maman n’existe dans aucun livre, personne n’a vécu ce que j’ai vécu, personne ne porte comme moi l’essence de cet être pétri de toutes les époques. Personne ne me lira. A quoi bon écrire sur elle ?» dit l’auteur.
Mais qu’a-t-on le droit d’écrire, pétrie de peurs diverses et de « culpabilité dans la peau », pour conserver à jamais une intimité qui n’est plus ? Que peut-on révéler des secrets familiaux sans choquer ni blesser ?
Pour Fawzia, la Mère est celle avec laquelle on aborde tous les sujets, mais avec discrétion. La Mère donne des conseils de cuisine savoureuse. Elle indique la route à suivre loin des guerres des hommes, des oppositions religieuses et des bouleversements politiques. Elle est humble et se confie peu. Elle reste également pudique sur les secrets du corps. Etre mère, certes.
Mais, comment être femme et construire une identité affirmée pour la fille d’une Mère ?
Les remèdes de « Grand-Mère » ajoutent un peu de piquant à un quotidien rythmé par les tâches à accomplir pour le bien-être des maris, des pères et des enfants. Il faut chasser les ogres, les voleurs, les djinns, les sorcières et parfois même les hommes, violents, ambitieux mais surtout fous de désir pour ces corps inaccessibles.
La Mère est discrète sur sa vie de femme mariée. Le mauvais œil guette sans doute ceux qui semblent trop heureux…A moins qu’il y ait des choses que l’on ne puisse raconter à ses enfants sans trop se découvrir.
Un récit très émouvant !
@Noé On The Road
Fawzia Zouari, Le corps de ma mère, Gallimard, Collection Folio (n° 6509), 7E49